Rouge !!!
Après le forfait de dernière minute de 1972 suite à un essai longue distance peu concluant, Enzo Ferrari relance sa marque aux 24 Heures du Mans 1973 pour l'édition du cinquantenaire. Trois superbes 312 PB sont alignées au départ. Ayant cueilli le titre de championne du Monde en 1972, la 3 litres italienne est désormais prête à affronter le double tour de cadran manceau mais aussi et surtout les 4 Matra MS670B. La carrosserie a légèrement évolué depuis 1972, le châssis également pour tenter de gommer le sous-virage. Le V12 3000 cm3 développe 470 ch à 11.500 tr/min (Oui, oui, 11.500 !!!...). Il a été malmené durant de très longues heures au banc moteur, il est fin prêt. Les équipages sont de très haut niveau avec Ickx-Redman sur la n°15, Merzario-Pace sur la n°16 et Schenken-Reutemann sur la n°17. Tous ont taté de la F1, voire y ont connu le succès. Le défi italien a fière allure face à celui des bleus. Le duel promet monts et merveilles, la foule ravie de retrouver un tel affrontement se presse au rendez-vous.
Les belles rouges sont tellement en forme qu'elles verrouillent la première ligne de la grille de départ, Merzario en 3'37"5 devance Ickx. Dès le départ, le poleman met la pression et s'échappe sur un grand rythme. Clairement, il joue au lièvre et dès le second ravitaillement, il a pris tellement d'avance qu'il peut stopper sans perdre la tête de l'épreuve... Mais à peine cède-t-il le volant à Pace que celui-ci rentre de nouveau aux stands, la combinaison imbibée d'essence. Ferrari vient de se découvrir un point faible. La n°16 perd 25 minutes, trois Matra prennent le relais en tête !
Mais Matra se découvre également un point faible, les pneus déchappent dans les Hunaudières, seule la n°11 de Pescarolo-Larrousse semble miraculeusement y échapper mais elle bouffe des plaquettes. Donc, Ferrari se retrouve dès la 7ème heure aux deux premières places, la n°17 de Schenken-Reutemann devant la n°15 de Ickx-Redman. Mais le V12 de la 17 explose avant la mi-course ! Ickx-Redman prennent le relais tandis que Merzario-Pace sombrent un peu plus à cause de l'embrayage...
Chez Matra, seuls Pescarolo-Larrousse peuvent jouer avec la Ferrari du fait des problèmes de pneus affectant les autres MS670. Une matinée de légende se dessine... Profitant d'une pluie fine au réveil, Gérard remonte sur Jacky ce qui constitue un exploit remarquable lorsque l'on connait les facultés du jeune pilote belge dans ces conditions ou il a toujours été époustouflant. La Matra est revenue dans le même tour que la Ferrari mais une nouvelle fois ses plaquettes défaillantes la ralentissent. Lorsque Pesca repart, il se retrouve juste devant Redman et celui-ci, voyant que le français s'échappe, force le rythme et commet une faute au Ford. Il rentre aux stands, perd 9 minutes et la tête de la course pense-t-on. Mais non ! Pesca est victime d'une rupture de canalisation de freins et rentre à son tour ! La course se déplace dans les stands.
Les mécanos français renvoient la MS670B en piste 11 secondes avant que les italiens n'en fassent de même avec la 312 PB. La lutte est à son sommet ! Mais la Matra est maintenant plus rapide et s'échappe à nouveau. Tout semble joué lorsque Ickx rejoint son stand avec à son tour, un réservoir d'essence qui fuit. Les mécanos prennent 20 minutes pour le réparer...
Mais rien n'est fini car Larrousse ne peut repartir après un changement de pneus. Le démarreur est mort, il faut le changer. Il faudra pour cela 20 minutes également aux mécanos bleus. La Ferrari est revenue à un tour lorsque la Matra se relance ! A deux heures de l'arrivée, Redman n'ayant pas abdique, il se retrouve à 2'30" de Pescarolo ! Mais à 14H27, le V12 italien chante soudain terriblement faux... Une bielle a lâché, la n°15 rend les armes ! Elle est ramenée au paddock par ses mécanos sous les hourras de la foule pourtant acquise à la cause Matra. Beau et triste moment à la fois.
Pour les rouges, il reste toutefois la n°16 des lièvres qui finalement, est toujours là en embuscade. Mais la Matra ne faiblira plus et franchira la ligne d'arrivée 6 tours devant l'unique 312 PB survivante. Tout le monde espère la revanche pour 1974, Ferrari se doit de revenir laver son honneur. D'ailleurs Mauro Forghieri se remet au travail pour améliorer sa voiture. Mais Enzo a embauché Niki Lauda au cours de l'intersaison pour la saison de F1. Sous la pression de l'autrichien et de Luca di Montezemolo, le Commendatore annonce le retrait de sa firme pour consacrer toutes ses forces à la F1. Ferrari ne reviendra plus jamais officiellement jouer la victoire au Mans. Pendant 50 ans !
La marque se retire avec 9 victoires au compteur : 1949, 1954, 1958 et sans interruption de 1960 à 1965. Il faudra la toute puissance de Ford puis celle de Porsche pour mettre à mal le cheval cabré. Il faudra attendre 1985 pour voir Porsche supplanter Ferrari en remportant sa 10ème victoire mancelle. Désormais, la marque italienne en compte 10 de retard sur la marque allemande. Mais depuis ce 24 février 2021 à marquer d'une pierre blanche, nous savons que Ferrari se donne de nouveau les moyens de venir vaincre officiellement au Mans. En 2023. Le centenaire de l'épreuve promet donc monts et merveilles désormais si la crise économique ne vient pas tout mettre par terre d'ici là. Quel plateau somptueux nous aurons alors ! Toyota aura devant lui Peugeot, Audi, Porsche et donc Ferrari ! Notre patience de fan aura donc enfin été récompensée. Les années de disette laissées par le trop ambitieux (déraisonnable ?) règlement LMP1 2014 seront enfin derrière nous. Ouf !
Ouf, oui, ce retour est ouf. Complètement. D'ailleurs, si je peux formuler une requête aux dirigeants italiens. Rouge, je la voudrai toute rouge. Pure et rouge. SVP, faites-nous ça !
S'il est quelques personnes qui aujourd'hui doivent retrouver quelques couleurs, ce sont bien les dirigeants de l'ACO. Nous avons suffisamment été critiques lorsque le château de cartes du LMP1 s'est effondré pour saluer le succès à venir d'une catégorie Hypercar qui semble désormais prendre son envol. Ferrari revient en LMH, la même catégorie que celle choisie par Toyota et Peugeot, Audi et Porsche ayant plutôt fait le choix du LMDh. Même si ces deux réglementations ont certainement un peu trop tardé à apparaître, les budgets plus mesurés qu'elles nécessitent permet enfin à la discipline de retrouver un lustre qu'elle n'aurait pas dû perdre. Ferrari est officiellement de retour au Mans dans la grande catégorie et pardonnez-moi mais c'est une PUTAIN de bonne nouvelle ! Parce que l'on est bien tous d'accord que d'ici là, cette saloperie de virus nous aura laissé vivre. Hein ? On est tous OK là-dessus ? Pour que nous soyons tous sur le circuit à se pâmer devant ce spectacle de fous furieux, pas devant nos écrans !
PS : Merci aux dirigeants de la F1. Autant vous nous avez piqué Ferrari pendant 50 ans, autant le cost cap que vous instaurez est très certainement la raison du retour de Ferrari en endurance. Donc merci. D'ailleurs, Mercedes, quand est-ce que vous faites la même annonce ? Vous aussi, vous allez avoir trop de personnel et des reliquats de budget à utiliser. La Sarthe est là qui vous tend les bras... On vous attend surtout si votre voiture reste bien collée au sol cette fois-ci...
Laurent Chauveau
Quel bonheur que ce retour de Ferrari au Mans. J’attends cela depuis 1973. Et merci pour ce belle article. Forza Ferrrari