La Peugeot 9X8 et ses ainées au musée de l'Aventure Peugeot !
Ce jeudi 1er décembre 2022, l’association de l’Aventure Peugeot organisait au musée de Sochaux, une rencontre sympathique avec les membres passés et futurs des épisodes Peugeot au Mans. Pour cette occasion, Eric Hélary retrouvait pour l’occasion sa 905 Evo 1 ter avec laquelle il a gagné les 24 Heures du Mans 1993 en compagnie de Christophe Bouchut et Geoff Brabham. Stéphane Sarrazin, représentant de l’époque 908, initialement prévu était finalement malheureusement absent… Mais Loïc Duval, pilote Peugeot, et Jean-Marc Finot, Directeur de Stellantis Motorsport, étaient quant à eux bien présent pour représenter l’aventure à venir, celle de la 9X8. La maquette de celle-ci était d’ailleurs présente, cernée de ses deux ainées victorieuses au mans, la 905 d’Éric Hélary comme je le disais et la 908 HDi FAP victorieuse en 2009.
La soirée commençait par une conférence animée par le directeur de l’Aventure Peugeot. Eric Hélary y revenait notamment sur la personnalité de Jean Todt, « un homme exigeant et difficile à cerner mais qui lui a donné la chance de sa vie » en lui confiant le volant de la 905…
Jean-Marc Finot et Loïc Duval revenaient sur les débuts un plus difficiles qu’espérés de la 9X8. Aux questions posées par l’assistance, il n’a pas été fait de secrets, hormis sur le sujet du budget ! Loïc confiait qu’il y avait des raisons de demeurer confiant car « la voiture est très bien dans les zones de freinage. Elle est mieux que la Toyota dans les grandes courbes rapides donc l’absence d’aileron arrière ne nous prive pas des appuis nécessaires. Mais c’est en ligne droite que nous prenons cher face aux Toyota. »
Cette surprise du manque de Vmax de la 9X8 avait été particulièrement mis en évidence à Monza, temple de la vitesse ou la Peugeot s’était montrée en retrait face à la concurrence. Pour une voiture dépourvue d’aileron, c’était une relative surprise ! Et ce même si nous savons que toutes les Hypercars sont très encadrées par le règlement aéro puisque pour être homologuées, elles doivent répondre à l’obligation d’un ratio maxi entre la trainée aéro et les appuis générés (ratio de 4 pour les Hypercars contre 6.5 environ à la TS050 LMP1 par exemple) Jean-Marc Finot nous en a donné la raison. « Nous ne corroborons pas sur la piste les chiffres de trainée aéro que nous avions trouvé en soufflerie. C’est une surprise mais nous savons désormais pourquoi. La cause en est notre échappement haut qui souffle fortement sur notre lame aéro arrière et qui génère trop de trainée. Notre kit 2023 positionnera les échappements plus bas. » Ils seront donc certainement de retour sous la carrosserie, soufflant juste au-dessus de la sortie du diffuseur. Mais à ma question qu’une telle évolution allait forcément passer par l’utilisation de l’un des 5 jokers permis par le législateur pour faire évoluer une Hypercar en théorie figée une fois l’homologation passée, Jean-Marc répondait par la négative. « Le fait que nos chiffres réels ne recoupent pas les chiffres théoriques pour lesquels la voiture a été homologuée implique que nous n’aurons pas à utiliser un joker pour ce nouveau kit… Il nous permettra simplement de revenir à la cible théorique retenue. » Les arcanes réglementaires ont quelques fois des côtés fascinants ! Ce nouveau kit ne révolutionnera cependant en rien le look global de l’auto.
Pour rester sur le plan aéro, je suis évidemment revenu sur cette question de l’absence d’aileron arrière qui caractérise la 9X8. J’étais curieux de savoir si c’était une idée des stylistes Peugeot, très impliqués dans la naissance de la voiture, ou si cela venait bel et bien des ingénieurs. « Non, cela vient bel et bien du BE. Notre voiture a une répartition des masses parfaitement centrée à 50-50 entre l’avant et l’arrière. Nos concurrents sont plus centrés sur l’arrière. Donc, sur le plan aéro, nous avons besoin de moins d’appuis à l’arrière qu’eux pour équilibrer l’auto. Nous avions vu que nous pouvions extraire tous les appuis dont nous avions du dessous de la voiture (dessous plus libres sur les Hypercars que sur les LMP1 justement pour donner plus de marges aux stylistes). Donc nous nous sommes dits : pourquoi ne pas faire disparaître cet aileron arrière ? » Contrairement la maquette qui représentait la 9X8 lors de cette soirée, les véritables 9X8 ayant disputé les trois dernières manches de la saison du WEC ont bien été gréées de petits ailerons latéraux qui permettent d’ajuster finement la balance aéro de l’auto.
La boite de vitesses est également un point faible de la 9X8 et devrait évoluer pour le millésime ainsi que de nombreux autres points. La fiabilité est également à l’ordre du jour, bien évidemment, les deux 9X8 ayant souvent visité leurs stands lors de ces trois courses 2022. Elles ont souvent été vues à l’arrêt également en piste avec des resets informatiques à faire. « Il y a tellement de paramètres désormais gérés par l’informatique qu’il peut parfois finir par y avoir des bugs qui nous imposent de stopper. Nos adversaires en ont également parfois été victimes. » Et Loïc Duval de revenir ainsi sur l’abominable fin de course de la Toyota n°5 en 2016 au Mans. « C’était un problème de software… »
Toujours est-il que l’équipe Peugeot Sport va très prochainement se retrouver au Castellet pour son premier test d’endurance de 24 Heures. « Nous avons à peu près pu rouler 6 ou 8 heures mais notre objectif est bien d’en tenir 24. Pour cela, il faut rouler. Il nous faut aussi fiabiliser l’auto avant Sebring qui va arriver très vite » nous disait Jean-Marc. Plus tôt, Éric Hélary revenait sur les sept tests d’endurance accomplis par l’équipe Peugeot Talbot Sport. Certes une 9X8 coute certainement plus cher unitairement parlant qu’une 905 du fait des nombreux systèmes embarqués mais aussi et surtout du GMP électrique à l’avant de la voiture. Pour autant, l’équipe Peugeot Sport actuelle ne dispose pas d’un budget suffisant pour rouler autant. « Nous avons trois tests de 24 Heures prévus d’ici Le Mans. C’est tout ce que notre budget nous permet. A l’époque 905, les moyens étaient dingues. Jean-Pierre Boudy, l’ingé moteur de la 905 me rappelait qu’ils testaient plusieurs jeux de distributions différents avec des pièces de conception différente au banc moteur ! Les configurations qui ne donnaient pas les résultats escomptés étaient tout simplement laissées à l’abandon. Quand il y a beaucoup d’argent, on peut en faire des choses ! Mercedes en Formula E a développé deux groupes motopropulseurs différents pour ne retenir que le meilleur des deux finalement… »
Budget raisonnable ne signifie pas pour autant petit budget. Loïc nous confiait que « le simulateur tourne à fond, 24/24 et tous les pilotes s’y relaient sans cesse. Lorsque nous y allons, c’est pour la journée entière 8H-18H et souvent deux jours d’affilée. Nous y passons chacun une fois par semaine environ à tester plein de set-up différents. Evidemment, nous préférerions du vrai temps de piste plutôt que du simulateur mais nous ne sommes tout de même pas à plaindre. Il y a pire comme job ! Et puis, nos collègues de la Formula E, eux, ils y passent des semaines entières ! » De toute façon, la 9X8 ne fait pas que rouler virtuellement. « Nous tournons en test environ quatre jours par mois » ajoute Loïc. On a connu pire…
Ultime point, j’ai voulu comprendre pourquoi la 9X8 pouvait règlementairement utiliser sa puissance électrique dès 150 km/h alors que la Toyota n’y a droit qu’à partir de 190. « Cela vient tout simplement de nos largeurs de pneus. Du fait de notre répartition des masses, nous avons les mêmes à l’avant et à l’arrière, 310mm de large. Toyota a des pneus plus fins à l’avant mais plus larges à l’arrière. Voilà pourquoi. » Plus de largeur de pneus à l’arrière permet de mieux motricer sur la puissance thermique dans les phases de relance à basse vitesse. Par effet de compensation, on met en œuvre la puissance électrique plus tardivement sur la Toyota.
L’importante assistance présente finissait par quitter progressivement les lieux, il était alors temps de se laisser tenter par une séance photo ou il était plus aisé de réaliser les cadrages désirés. Vous en trouverez le résultat ici. Mais vraiment, cette soirée était fort agréable. La très grande disponibilité de tous les acteurs, leurs très longues séances de réponses au public, leurs sourires pour les selfies et les photos, leur plaisir de partager ce moment était vraiment à saluer. Même lorsque l’on se remettait à parler avec Loïc de certaines bielles baladeuses datées de 2010, il gardait le sourire ! « Finalement, ça a été très douloureux à vivre sur le coup mais pour Nico (Lapierre) et moi, la perf de notre 908 qui était la dernière en piste nous a aussi permis de nous faire connaître. La victoire de Sebring en 2011 nous y a aussi aidé. A la fin de la saison 2011, j’avais devant moi des contrats prêts à signer chez Audi Sport, Peugeot Sport et Toyota. Et je le dois à cette fabuleuse 908 HDi FAP et à Oreca ! »
Laurent Chauveau