C’est l’histoire d’un gamin qui tombe, au hasard d’un déménagement sur un recueil d’albums du Journal de Tintin. Le gamin se plonge aussi sec dans la lecture de ces albums et tombe quelques pages plus loin, sur une histoire qui parle de sport automobile. Plus fou pour ce gamin déjà passionné du Mans, cette histoire traite justement du double tour d’horloge sarthois ! Il découvre deux héros. Michel Vaillant et Steve Warson. Il découvre les deux méchants : Bob Cramer et Jack Trinity. Il découvre la marque Vaillante et cette magnifique voiture que la marque fictive a préparé pour l’édition 1961. Il découvre le père Vaillant, le patron de l’aventure. Il découvre Jean-Pierre, l’ex-pilote qui n’ayant pas le talent de son frère Michel, s’oriente progressivement vers sa carrière d’ingénieur, concepteur des Vaillante.
Le recueil d’albums Tintin débute avec le magazine du 18 mai 1961. L’histoire de Michel Vaillant qui y figure en est déjà à la page 39 donc le gamin n’a pas du tout le début de l’histoire. Mais ça ne l’empêche pas d’être immédiatement happé, captivé. Il faut dire que les 4 Vaillante se présentent au Pesage des 24 Heures ! Le gamin tourne dès lors frénétiquement les pages de ces albums de Tintin, négligeant les nombreuses autres histoires agrémentant ces magazines pour trouver au plus vite la suite de l’histoire. Dans le magazine du 1er juin 1961, Michel Vaillant part pour un tour en crayon embarqué du circuit de l’époque. C’est fascinant ! Les pages tournent à toute vitesse, l’histoire progresse, la course avance. La Vaillante de Michel et Steve livre une lutte sans merci à la Bocar de Bob et Jack. Le suspense grimpe et alors que, au dimanche matin, Steve rattrape la Bocar pour lui prendre un tour, le recueil s’achève. Le gamin est totalement frustré. Il n’a pas la suite de l’histoire et ne l’aura pas avant de longues années. Pas avant qu’il ne puisse, dans une bibliothèque, trouver « le 13 est au départ » et dévorer les dernières pages donnant finalement la victoire et le triplé aux trois Vaillante… Plusieurs années de suspense prenaient fin. Enfin !
Je venais tout simplement de tomber dans le monde de Jean Graton, l’auteur de Michel Vaillant. Il faut se replacer dans le contexte des 70’s pour comprendre tout ce que cette BD apportait aux enfants de l’époque. Les magazines de sport auto, peu d’entre nous y avaient accès et leurs images étaient encore en N&B. Les moyens d’assouvir sa passion étaient donc extrêmement rares. Jean Graton non seulement nous la faisait partager mais de plus, il y ajoutait la couleur. Et ses fameux VROARRR, VROOOWWW, VROOP VROOP… Il nous emmenait au cœur d’une écurie de course. Même si celle-ci était imaginaire, elle avait tout pour nous plaire. Je n’ai dès lors eu de cesse que de tenter de trouver tous les Michel Vaillant à ma portée. Je demandais à ce que l’on m’offre une de ces BD plutôt qu’un énième bouquin de la bibliothèque verte que je ne lisais jamais de toute façon… J’étais alpagué, ferré par l’univers de Jean Graton.
Ce dessinateur breton a grandement contribué à façonner les piliers de ma passion. Il a émerveillé le gamin que j’étais. La F1, les rallyes, l’endurance, la course à l’américaine, le Dakar, les records de vitesse, Jean Graton nous faisait tout découvrir des paddocks du monde entier, même ceux dans lesquels il ne s’était jamais rendu s’appuyant sur des photos envoyées par des correspondants locaux. Il savait aussi distiller des ambiances sombres parfois comme dans « le retour de Steve Warson » ou mystiques comme dans le fascinant « les chevaliers de Königsfeld ». Avec Julie Wood, Jean Graton nous a aussi emmené dans le monde de la moto, avec la même passion. Fan du beau geste, il avait aussi consacré des bulles au rugby, au cyclisme et à de nombreux autres sports avant de lancer Michel Vaillant qui fit son succès et notre bonheur.
Au fait, Michel Vaillant ne gagnait pas toujours. Il lui arrivait de subir la défaite. Notamment face à Jacky Ickx… Monsieur Jean Graton, vous nous quittez aujourd’hui mais votre héros vous survit…
Laurent Chauveau