Ah ben non, désolé...

Peugeot 9X8, le X est de retour !

Souvenez-vous, avant que ne soit présentée la Peugeot 908 2ème génération de 2011, son petit nom de code était 90X. Peugeot ressort donc aujourd’hui le X du placard mais cette fois-ci, c’est pour le placer au centre, coincé entre le 9 et le 8 qui assurent la lignée avec les 908 et une cohérence avec la gamme des voitures de série. Le X évoque évidemment la traction intégrale et l’hybridation qui équipent la nouvelle Peugeot.

Après la Toyota et la Glickenhaus, avant la Ferrari, 9X8 est donc la troisième Hypercar à être présentée. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle tranche ! Pour tout vous dire, au goût de l’auteur de ces lignes, elle est la première Hypercar à exploiter pleinement les largesses aérodynamiques permises par le règlement pour offrir un look qui ne laisse personne indifférent. Rappelons-le une nouvelle fois, le règlement Hypercar sclérose l’aéro pour éviter qu’elle ne prenne trop d’importance et nuise au look des voitures comme c’était le cas sur les LMP1. Lorsque vous homologuez votre nouvelle Hypercar, celle-ci doit passer dans l’une des souffleries mandatées par l’ACO et elle ne doit pas être trop efficace. Il y a une cible maxi à atteindre et à ne pas dépasser. Cela laisse la possibilité aux stylistes de collaborer réellement avec les ingénieurs pour converger sur une carrosserie à la fois spectaculaire et suffisamment efficace pour atteindre la cible du règlement.

Et Peugeot a joué ce jeu à fond, le département style de la marque ayant réellement et pleinement collaboré avec PSA Motorsport pour créer 9X8. Le résultat est… différent ! Avant de donner un avis esthétique qui n’a aucun intérêt hormis celui de me faire plaisir, je dois dire que j’apprécie énormément la démarche. Je l’avais déjà dit, je trouve la Toyota bien trop mièvre de ce point de vue. Les stylistes nippons n’ont visiblement pas été beaucoup invité à la table des négociations de la GR010. Le résultat ne semble pas guidé par un choix stylistique fort. C’est peut-être un peu plus le cas de la Glickenhaus SGC007 mais le résultat est assez « vieillot » à mes yeux et le porte à faux avant me fait mal aux yeux. (Je vais me faire des potes moi…)

Rien de tout cela sur la Peugeot. Le look est là, assumé à fond, cohérent. C’est une voiture réellement dessinée par des stylistes et assumée comme telle. Travaillant dans ce milieu, je ne peux que saluer la démarche qui me semble-t-il, était celle également recherchée par les législateurs. BRAVO ! Et vu l’emballement sur les réseaux sociaux, dans un sens ou dans l’autre, 9X8 ne laisse personne indifférent. On aime ou on déteste mais au moins elle fait parler !

Ce qui saute évidemment aux yeux, c’est l’absence d’aileron arrière. Les plus jeunes trouveront que ça ne fait pas voiture de course (commentaire réellement lu sur les réseaux). A titre perso, j’adore, les ailerons n’ayant que rarement embelli les voitures. Je n’étais pas au Mans en 1967 lorsque la Chaparral 2F a débarqué aux vérifications avec son immense pelle à tarte juchée à 3 ou 4 mètres du sol mais je pense que peu lui ont alors attribué le premier prix de beauté. Prix que la Ferrari 330 P4 pouvait quant à elle, à juste titre, revendiquer, elle qui était dépourvue de cet appendice. Nous nous sommes habitués aux ailerons, ils évoquent la performance. Mais un proto sans aileron est plus pur. Et à ce sujet, je me souviens d’avoir eu un choc visuel en voyant la Pescarolo de Soheil Ayari rentrer aux stands ce dimanche matin de 2005 sans aileron arrière en me disant que ce capot arrière était décidément bien plus joli ainsi… Bref, je ne suis pas de ceux qu’il faut convaincre de se passer d’aileron arrière. Je trouve d’ailleurs toutes ces hypercars de route très moche lorsqu’elles braquent au max leur aileron arrière mobile…

Le règlement ayant été écrit de telle façon à ce que le maximum de l’appui se fasse sous la voiture, il a donc été facile pour les ingés et les stylistes de se passer de cet appendice. « We didn’t want a rear wing » est ainsi fièrement affiché sur le bord de fuite du capot AR *. Reste à ce que son absence ne se traduise pas par une voiture trop sensible aux inégalités de la route pour générer un appui constant puisque tout se passera dessous... Subir en plein milieu du droite avant Indy ou dans le Porsche, une soudaine perte d’appui à cause d’une inégalité de la route pourrait causer quelques surprises. Il faudra également éviter le pompage aéro dans les Hunaudières. Reste aussi à pouvoir gérer l’adaptation de la voiture au divers tracés. Si ce choix semble idéal pour Le Mans, qu’en sera-t-il sur les tracés nécessitant plus d’appuis qui constituent la majorité des épreuves du FIA WEC ? Olivier Jansonnie, le directeur technique de la 9X8 évoque quelques idées en cours d’investigations pour procéder à ces ajustements. Il sera intéressant de voir comment Peugeot Sport contournera cet inconvénient. Il est bien connu qu’une voiture de course reste une affaire de compromis…

On connaissait déjà le groupe motopropulseur de la 9X8, le V6 bi-turbo 2,6 litres et le MGU ayant été annoncés il y a déjà quelques temps. Nous n’attendions donc plus que le look de l’auto. Donc parlons-en ! En veillant à ne pas oublier toutefois pas qu’il ne s’agit pas encore là de la version définitive mais d’une version communication. Je prends toutefois le pari que cette maquette de 9X8 se rapproche plus de la version réelle que ce n’était le cas pour la maquette de la 908 HDi FAP présentée au Mondial de l’Auto 2006. Allez, je vous donne mon avis même si vous vous en foutez !

J’adore l’avant de la voiture, moderne à souhait avec une bouche béante qui semble vouloir avaler plus d’air que le département de la Sarthe n’en offre ! Les phares sont un peu surdimensionnés mais cela semble être une constante sur les protos actuels. La lame avant est joliment dessinée et laisse la place sous les phares aux prises d’air pour les freins semble-t-il. Discret et bien fait… La signature lumineuse propre à la marque est bien présente et même omniprésente ! Et que dire de celle de l’arrière et qui à coup quasiment sûr, ne sera pas de même nature sur la voiture de course. Comme sur la Toyota GR010, la Peugeot 9X8 conserve des ouvertures au-dessus des roues mais le traitement de la forme spécialement sur la roue avant est splendide d’ingéniosité et de maitrise. Ne touchez surtout plus à rien, j’adore !

La bulle du cockpit est superbe et la fusion progressive de la prise d’air moteur au sommet du pare-brise en un aileron de requin relativement discret est absolument top ! C’est à ce genre de détails que l’on voit la patte des stylistes. J’aurai aimé avoir à notre disposition une vraie vue de dessus de la 9X8. J’aime regarder les voitures sous cet angle rare et pourtant indispensable. On devine une très belle fictive bien dessinée en deux pans sur le ponton joignant la roue avant à la roue arrière et interrompant les formes aux galbes convexes d’un côté avec celles aux galbes concaves de l’autre. Là encore, j’adore. Les schnorkels alimentant les radiateurs et les échangeurs des turbos sont à la fois bien présents et superbement intégrés. Ces éléments sont pourtant souvent très disgracieux.

A l’arrière, les dérives latérales sont un peu taillées à la serpe mais la manière dont elles se rejoignent d’un côté à l’autre est superbe. Je pense toutefois que dans cette zone-là, nous verrons apparaître sous une forme ou une autre, un becquet réglable en hauteur qui justement, permettra les indispensables ajustements aéros… Les échappements sortant juste au-dessus de la carrosserie reprennent trait pour trait le traitement de l’entrée d’air moteur centrale. Bien joué ! Mais cela changera peut-être sur la version course. Jusque-là en tout cas, c’est parfait ! Et pour ceux qui me connaissent, vous allez me dire que le fait que je travaille également pour le Style PSA influence mes dires. Loupé…

Car s’il est un point de vue que je n’aime réellement pas sur la voiture, c’est sa vue de profil. J’aime les courbes élancées, élégantes et ce n’est pas du tout ce que je retrouve sur les flancs de 9X8. Et ce n’est pas la forme de la sortie d’air du diffuseur avant dans le flanc de l’auto qui m’aide à accepter cette élévation (zone où figure le blason lumineux du Lion). Et je trouve que l’élévation manque de ces galbes sympathiques que l’on retrouve pourtant dans les autres vues. Rien n’est parfait en ce bas monde et heureusement, ça nous donne l’occasion de discuter férocement. Cela ne suffit toutefois pas à calmer mon impatience de voir la bête en vrai. Ras le bol du virtuel et du distanciel comme on dit dans ce monde confiné ! On veut du concret, du bruit et de la fureur !

Avec 9X8, Peugeot fait un retour fracassant en endurance (mais encore virtuel). La maquette sera présentée à Monza dans 10 jours lors de la 3ème manche du FIA WEC 2021 et prendra la piste d’ici la fin de l’année comme initialement prévu. Mais Le Mans 2022 n’est toujours pas assuré aux dires d’Olivier Jansonnie. « Une fois la voiture homologuée, elle sera figée pour 5 ans donc nous ne précipiterons rien et nous prendrons le temps qu’il faut pour s’assurer de nos choix. » Ça, c’est un petit peu la douche froide pour nous les fans. Gageons que les équipes de PSA Motorsport feront tout leur possible pour prendre des infos sur la piste en Sarthe en juin 2022 (Saint COVID, lâche nous la grappe et laisse la semaine 24 redevenir notre moment de bonheur…). Avec la concurrence féroce qui sera présente en 2023, pouvoir courir dès 2022 sera d’une aide précieuse ! Et Toyota qui a salué (très beau geste…) sur ses réseaux sociaux l’arrivée de la 9X8 ne pourrait que se réjouir de retrouver un constructeur d’envergure mondiale à ses côtés dès 2022. Surtout que le programme n’est assuré que jusqu’à l’horizon 2025… Alors Go, go, go, ne nous faites pas plus attendre !

* Nous ne voulions pas d’un aileron arrière.

Laurent Chauveau

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