Ah ben non, désolé...

La course d'un photographe : Sebring 2012, la première du WEC !

5H30 bordel… Pour les photographes, l’une des particularités des compétitions américaines, c’est l’obligation qui vous est faite d’assister, le matin de la course, à un meeting organisé par l’ALMS. Avec un Warm-Up programmé à 8 heures, vous imaginez bien que ce meeting a lieu tôt, très tôt, trop tôt surtout lors d’une journée si longue. Bref, il a lieu à l’heure ou tous vos yeux ne sont pas encore ouverts et ou vous n’avez activé que les strictes fonctions de survie… Donc réveil à 5H30 en ce samedi 17 mars 2012, faut vraiment aimer ça… Mais au moins, cette année, la maison ou nous logeons se trouve tout près du circuit… C’est toujours ça de gagné. A Sebring, on peut vite se trouver à une heure du circuit tant la ville manque d’hôtels Alors ça aurait pu faire du 4H30… Contrairement aux années précédentes, ce meeting n’a plus lieu dehors, au pied de l’escalier métallique menant à la salle de presse mais dans un nouveau bungalow mis à la disposition des photographes. C'est un peu plus facile.

Mais si ce meeting a l’inconvénient de vous forcer à vous lever tôt, il a aussi l’avantage de vous forcer à vous lever tôt. Non, point d’erreur dans cette phrase, les mots ne mentent pas… Se lever tôt signifie aussi que l’on va pouvoir assister au réveil de Sebring, aussi je ne traine pas. Une fois le meeting terminé, je chausse mes bottes de 7 lieues et je prends la direction du Turn 7 pour y profiter de la splendide lumière matinale donnant encore sur la façade de Château Elan, l’hôtel qui borde la piste.

Je franchis donc la passerelle placée au début des stands et à la sortie, je commence à shooter. L’heure dorée naissante donne de beaux reflets sur le bâtiment des stands. J’essaie de la fixer sur la pellicule numérique. Puis je file. Je veux être au Turn 7 au moment où le soleil « sort de terre », pile dans l’alignement de la ligne droite précédent le virage. Il est dommage que le warm-up ne se déroule plus pile à ce moment-là, ça nous ferait des photos canons.

Je suis seul. Au loin, Ra se pointe, mettant ainsi en valeur la passerelle par contraste. Même si nous sommes à une demi-heure du warm-up, il règne tout de même en piste une certaine activité. Les gros pick-ups des commissaires meublent mes photos et les animent. Pile ce que je voulais, je suis content ! Je file 200 mètres plus loin.

Maintenant, je n’ai plus qu’à attendre le début du warm-up. Il me reste une bonne vingtaine de minutes à attendre et j’observe. J’observe ce spectateur qui prend son petit déj, dans son échafaudage, au ras de la piste. Quel pied ce doit être ! J’observe cet ouvrier, pinceau à la main, qui à 10 mètres de moi, redonne un coup de fraicheur aux rails de sécurité blindés de flotte : il repeint directement sur l’abondante rosée matinale. Étonnant ! Je ne sais pas si ça va être efficace mais l’essentiel est de faire illusion durant 12 heures devant les caméras de télé… J’observe aussi la lumière, magnifique. Je la shoote en reflet sur les rails. J’adore. Sebring s’anime doucement devant moi, c’est un moment spécial…

D’autres photographes commencent à me rejoindre. L’endroit est prisé. 8 heures, les fauves sont lâchés. Et le kiff reprend. Le soleil donne encore une lumière rose-orangée, douce et chaude à la fois. Il éclaire les yeux des pilotes. En photographiant les voitures de ¾ AV à la sortie du Turn 7, on en voit certaines lever une roue, c’est hyper-graphique. Et puis il y a cette sensation au déclenchement. Je sens que je fais de bonnes photos. Je suis stable, bien posé, pas de tremblements. Je ne dispose pas d’un monopode et pour les photos de face en longue focale, il y a intérêt à ne pas bouger pour ne pas avoir un flou de bougé sur l’image. J’en vérifie quelques-unes rapidement en zoomant sur l’écran du Canon. Cela me conforte rapidement dans mon sentiment. C’est net.

Allez, je change d’angle, je les prends en filé en ¾ AR avec le soleil filtrant au travers des arbres. C’est plus dur mais je sens encore que je m’en sors bien. Je prends mon pied (non, pas mon trépied…) Même si la lumière n’est (déjà !) plus aussi sympa que lorsque je suis arrivé sur place, elle reste belle. Progressivement, fidèle à mes habitudes, je rallonge le temps de pose. Après avoir assuré les premiers clichés, il est temps de corser la difficulté. Les Lola Rebellion sont belles dans ces conditions. Puis, je change de nouveau. Je prends les voitures en plein arrière filant vers le Turn 9. Deux Audi passent groupées. Elles sont nettes. What else ? Le warm-Up n’aura duré que 25 minutes mais j’ai adoré ce moment...

Et la journée ne fait que commencer. Jean-Michel Le Meur me raccompagne gentiment en salle de presse avec sa voiture de golf, je gagne ainsi un temps précieux. Merci Jean-Mi ;) Car tout va très vite un samedi matin de 12 heures à Sebring. La pré-grille est bientôt de mise. Je me prépare mais avec ma maladresse habituelle, un faux-mouvement et je mélange toutes mes batteries pour le flash, les chargées et celles qui ne le sont plus. Car faute de ma part, j’ai oublié de toutes les recharger la veille au soir. Or avec les 110 volts offerts par le réseau américain, je ne peux pas espérer les recharger à toute vitesse… Tant pis, je vais faire même si je sais que les photos des pit-babes seront moins réussies. Ça aussi, c’est un moment que j’apprécie. Les Tequila Patron girls et les Falken babes rivalisent de sourire (et de silicone…) Je parcours bien la grille dans tous les sens, au milieu de la foule qui a envahi la piste, afin de m’assurer de n’avoir oublié de photographier aucune d’entre elles. Conscience professionnelle oblige ;) Ah oui, j’ai également shooté quelques voitures ainsi que quelques pilotes. Il paraitrait que je suis avant tout là pour ça…

10 heures, je prends la direction du Turn 1, le départ approche. Pour ce genre de photos, on assure en mettant un temps de pose assez court. Inutile de risquer un flou de mouvement, on n’aura pas l’occasion de refaire 10 fois cette séquence. Je me vois mal appeler la direction de course et leur dire : « On peut la refaire ? J’étais au 1/125 et je suis flou, ce n’est pas bon. Remettez-moi tout ça en place… »

10H31, après deux tours de chauffe, le vert est donné. J’assure assez bien mes photos des LMP1, un tout petit peu moins celle des GTE Pros. Mais ça passe. C’est parti ! Comme prévu, les trois Audi se détachent gentiment même si la HPD Muscle Milk tente de s’accrocher un peu. Bon, le suspense sportif me paraissant compromis, je me concentre sur les photos. Je débute par une série de filés au Turn 1. Les nuages alternent avec les éclaircies, obscurcissant la piste durant 30 secondes avant de laisser place au soleil durant deux minutes. Et ainsi de suite… Il faut sans cesse réadapter les réglages mais les clichés pris pile au moment du changement de luminosité sont bons à jeter… Je reste là 20 minutes puis je remets les cannes en route, direction le Turn 7 comme ce matin mais on drivers’ right cette fois-ci.

J’ai déjà shooté les Turn 3,4 et 5 durant les essais donc je ne m’y attarde pas. A la sortie du 7, je stoppe et je shoote à nouveau les concurrents avec Château Elan en arrière-plan mais vu de l’autre côté. Je tente mon habituel filé juste au moment où les voitures sortent de derrière le rail. Le soleil donne sur leur flan. Mais on est loin et ce n’est pas très facile. Puis j’en fais une série une fois qu’elles sont sorties du virage. Je n’insiste pas trop longtemps car je sais que cet angle, sans être pourri, n’est pas non plus génial. En plus, je sens que je ne fais pas grand-chose de bon. Le tri confirmera cette impression.

J’avance donc vers le Turn 8, l’une des deux courbes qui passent à fond et je fais une série de filés avec les arbres en arrière-plan. Les voitures y passent à très haute vitesse donc l’exercice est délicat. Mais je prends bien le rythme dans ma gestuelle et cette fois-ci, je sais que je produis de nouveau du bon. J’aime ! J’avance vers le Turn 9, en plein cagnard. Je suis en combi pour pouvoir aller dans les stands plus tard donc le soleil n’est pas mon allié. Je fais une série de photos de face mais la lumière commence à durcir. On approche de midi… Résultat correct.

Juste avant le Turn 10, je fais une série de ¾ AV pour avoir cet angle boisé. Mais on est assez loin et si on attend que les voitures se rapprochent alors c’est l’arrière-plan qui devient dégueu avec l’usine qui est toute proche. Donc, je file sous le spot le plus rafraichissant de Sebring ! Le trou dans le grillage du Turn 11. Nombre de photographes sont là, de même que les commissaires. Il faut dire que l’on est à l’ombre d’un très bel arbre, c’est très agréable. On peut faire deux shoots différents à cet endroit. Un de pleine face. Avantage, les voitures sont très proches donc il est facile de les avoir nettes. Inconvénient, le fond, c’est l’usine et les satanés fils électriques américains. Une vraie plaie. Heureusement, avec une grande ouverture, on camoufle tout cela dans un joli flou, en jouant sur les profondeurs de champ… Le second shoot est impossible à faire à cette heure-là. C’est un filé au grand angle pour mettre en valeur l’autre grand arbre situé en face. Masi il faut pour cela monopoliser l’ouverture dans le grillage pour une seule personne et vue la fréquentation (et l’attente), ce serait s’attirer les foudres des confrères ! Donc je poursuis ma balade à la sortie du Turn 10. Et je fais un filé que j’aime bien avec justement, « l’arbre d’en face » derrière la voiture. Puis deux séries de photos de face avec cette fois-ci l’arbre sous lequel j’étais abrité il y a quelques minutes. Mais décidément, la lumière devient vraiment très dure, il est temps de retourner en salle de presse.

Je prends une navette média, ce qui soulage mes jambes et rejoins Laurent Mercier au centre média. Il m’explique les soucis de la Lola Rebellion n°13 et de la Ferrari n°51 qui avait pourtant dominé le début de course. Et j’attaque le tri des photos. Un tri rapide pour faire une galerie de photos du départ pour EI. J’en profite pour recoller un peu avec le déroulement de cette course. Je profite pour cela des superbes écrans de la salle de presse. Un écran plat géant avec parasites intégrés qui nous pourrit les images de la course. Et deux cathodiques microscopiques qui sont censés nous donner le classement. Tellement illisibles que nous préférons utiliser le live timing disponible aussi en France…

Je passe deux bonnes heures « au frais » en salle de presse, puis je retourne dans la fournaise, direction les stands pour des photos des pit-stops. Alors disons-le tout de suite, ce n’est pas mon exercice préféré… Et très rapidement, ça me gave. Aux USA, il faut « an orange vest » pour aller shooter sur la pit-lane. Je n’ai droit qu’à la « blue vest » et je dois donc rester derrière le muret des stands. Je n’ai même pas le droit en théorie, de monter et de rester sur le muret. Bien derrière… Ce n’est pas facile. J’ai l’impression de gêner les mécanos, partout où je m’installe. Coup de bol, devant les stands Audi, il y a un vide donc je peux attendre l’arrêt de la n°3 et le shooter à peu près correctement.

Puis je file chez Rebellion mais il ne s’agit que d’un arrêt essence, pas de changement de pneus (plus spectaculaire) à photographier. Je n’ai pas loin à aller pour fixer l’arrêt de la n°88 mais même si on change les pneus, les mécanos ne sont pas dans le stress car la voiture doit déjà être attardé. C’est moins sympa à shooter. Tout cela commence à m’agacer. Beaucoup d’attente pour pas grand-chose. Mais je me force à rester encore un peu et je fais le tour des concurrents ALMS. Coup de bol, on est prêt chez les lézards volants. Cool. J’attends. Là se présente un « orange vest » qui me passe devant. Normal puisqu’il va se ruer sur la piste dès l’arrêt de la Porsche. Il est d’ailleurs prêt, comme un sprinter avec un pied déjà sur le muret. Il ne me gênera pas, du moins est-ce ce que je pense... Mais en fait, il ne fait que monter sur le muret et reste là durant tout l’arrêt. Il me bouche complètement la vue. Voilà qui n’était pas prévu au programme ! Je fais deux-trois photos à bout de bras, au jugé et j’abandonne. Ma patience est à bout...

Je quitte les stands et file vers le Turn 17. A moi les grands espaces du bord de piste. Mais pour commencer, je me fais virer du muret par une commissaire. C’est interdit aux vestes bleues entre les deux passerelles. Ah bon ? Je n’avais pas compris ça. Pour les 5 premiers tours, OK, ils l’avaient dit mais pas pour le reste de la course. Dommage car le sport est impressionnant, on a l’impression que les voitures vous foncent dessus !

Je veux donc aller un peu plus loin, profiter des trous dans le grillage pour les prendre en sortie du Turn 1, mais… Mais ces trous ont disparu ! Je n’étais pas revenu ici depuis 2009 et le grillage a été changé depuis, les trous n’ont pas été refaits… Arghhh ! Bon, ben allons dans le virage lui-même. Je me pose à côté de la camerawoman de la TV, pied nus sur son tapis de gym. Le confort n’est pas à négliger lorsque l’on reste 12 heures au même endroit… J’y fais mes clichés habituels mais deux bannières publicitaires améliorent le fond de l’image assez calamiteux habituellement en cet endroit pourtant spectaculaire puisque les voitures y lèvent très souvent les roues intérieures sur les bosses… Bref, j’ai bien fait de venir quand même. Je fais ensuite une série de filés en profitant du contraste entre le fond à l’ombre du pont et la voiture dont le flan prend le soleil. J’aime…

Vient alors l’heure du choix cornélien. Le soleil commence à décliner, ou vais-je ? J’adore le Turn 7 et les lumières sur les voitures. Le Turn 1 avec le soleil rouge en arrière-plan est magique mais un peu bateau, genre la carte postale imposée. Bob Chapman m’avait proposé d’aller ensemble au Turn 13 mais je ne sais pas où se trouve Bob à cette heure-là. Lors des essais, j’ai aussi découvert l’entrée du Turn 17 vue du côté spectateurs et c’est un angle que peu de pros font qui pourtant me parait sympa. Problème, à pied, ça fait un bout, je ne sais pas trop par où passer et surtout, je commence à avoir de belles ampoules au pied gauche. Je décide donc l’économie physique et j’opte pour le Turn 7. C’est LA bonne décision de la journée. La suite va me le prouver.

Tout d’abord, bonne nouvelle, les nuages présents durant ma séance dans les stands et qui m’inquiétaient quant à la lumière ont largement disparu. Ensuite, je suis au Turn 7, comme d’hab, mais j’opte pour des choix d’angles différents des années précédentes donc je ne suis pas trop dans la redite. Je refais tout d’abord le même plan que ce matin mais avec le soleil dans le dos cette fois-ci et des protos sur la piste. Puis, j’opte pour un plan relativement large avec une vue sur Green Park, la zone des spectateurs. Sans bouger, je resserre le cadrage pour une nouvelle série. Ça commence à bien claquer. Pourtant, un fait majeur nous gêne beaucoup. Les safety-cars sont sans cesse de sortie ! Or, pour réaliser un filé, il vaut mieux que la voiture file bon train. Paradoxalement, c’est plus facile. Le geste est plus fluide. Suivre une voiture sous safety est une gageure. Le pilote a tendance à freiner puis à ré accélérer, à virer de droite et de gauche, pour maintenir ses pneus en tempé. Cela rend la trajectoire aléatoire et difficile à suivre dans le viseur. De plus, avec une vitesse moindre de la voiture, il faut un temps de pose beaucoup plus long pour la faire filer sur le cliché. Et ça devient donc encore plus dur de garder la voiture nette. On pourrait attendre la fin de la neutralisation. Mais la lumière décline vite désormais et on n’a pas le choix, il faut profiter de ces instants… Je m’en sors plutôt bien. Bon allez, ça suffit pour cet angle, je passe en sortie de virage et là, je donne dans l’inédit. La course a repris heureusement. Je prends les voitures en ¾ AV avec le capot dans l’ombre ce qui met en valeur les phares allumés. Mais surtout, les flans se mettent à briller de mille feux. J’appelle cela le coup de flash naturel, celui qui ne tombe jamais à court de batteries. C’est l’éclat’ ! Je descends les temps de pose en évitant les ombres des arbres qui, désormais, viennent par endroit obscurcir la piste. Ça marche encore Je suis heureux…

Mais vient une nouvelle question. Que puis-je faire désormais ? Pour le coucher de soleil de face, c’est trop tard, je n’ai plus le temps d’aller au Turn 1 comme l’an passé et même l’inter du Turn 7, soit en face de moi, ça me parait chaud. Je suis exténué et cette fois-ci, mes ampoules sont sur le point d’éclater. Hors de question de refaire deux ou trois bornes à pied. Nouveau choix cornélien et j’avoue, je ne sais pas quoi faire. C’est alors que Bob Chapman arrive derrière moi dans sa voiture de golf. Il me propose de m’emmener au 13. Hippeee, c’est LE MEGA coup de bol de la soirée. Il file bon train derrière le rail, pied soudé à la planche de notre « Golf Cart ». il se retourne sans cesse puis entre le 9 et le 10, il stoppe. Il me dit : « On a encore trois ou quatre minutes avant le coucher du soleil. On peut faire une série ici mais il va falloir être rapide et efficace. Quand Bob Chapman vous met la pression, on se dit que rien ne va être facile.

L’endroit est évidemment magnifique. La lumière claque sur les pontons des voitures et sur les rails tandis que les arbres sont dans l’ombre, c’est juste magique. Mais c’est un shoot impossible ! On est à 100 mètres des voitures à vue de nez. Sans monopode et fatigué, je ne crois pas que je puisse faire un filé digne de ce nom. Surtout que nous sommes de nouveau sous « Full Course Yellow » ! Bon, on essaie tout de même. Tiens voilà la Lola Lotus LMP2 à pleine vitesse car elle a dû repasser par les stands et tente de rattraper la file. Je saute de la voiture, je n’ai pas le temps de changer mes réglages du Turn 7, j’épaule rapidement et je shoote... Ce sera MA photo de la course. Incroyable, elle me semble nette sur le petit écran. Je zoome, elle l’est ! Je n’y crois pas... Nous allons finalement rester 5 minutes ici. J’en fais plusieurs qui soient correctes et quelques-unes seulement vraiment bonnes, le reste est à jeter. Mais quel pied !

Nous remontons rapidos dans la voiture et filons vers le 13, il ne reste que quelques minutes de soleil désormais. Bob a tout noté sur un papier. Il a tous les horaires à la minute près concernant la course de notre astre solaire. On n’est pas pro pour rien… Je suis bien plus nonchalant dans ma préparation, je m’en aperçois. Pour ne pas perdre de temps dans les deux virages serrés derrière le rail, nous nous penchons, tels les « singes » sur les side-cars ! A peine arrivés, nous nous jetons hors de la voiture. Je ne connais pas le spot, une dizaine de pros sont déjà là et occupent les bonnes places, groupés sur trois mètres de large, guère plus. J’essaie sur leur gauche mais j’ai un bâtiment dans le cadre. Je change vite de place sur leur droite, il y a un camion dans le cadre mais tout le monde doit l’avoir donc il n’y a plus à hésiter. Je me colle au grillage car il n’y a pas de trous de toute façon et je déclenche. Avouons-le, la piste ne brille déjà plus tout à fait, le soleil est un poil trop bas mais ça reste très joli surtout que des nuages rougis agrémentent le ciel. Je suis fatigué, l’appareil pèse des tonnes désormais et je me repose dix secondes. Les pros ont un monopode pour alléger le poids de l’objo, moi pas… Pas de bol, c’est à ce moment-là que surgissent les deux Audi groupées. L’ensemble des photographes rugit de plaisir. Ils ont le cliché, moi pas. Elles vont repasser dans moins de deux minutes, je n’ai qu’à attendre même si la lumière chute à toute vitesse désormais. Oui mais mes deux photos des deux Audi resteront légèrement floues. Pas grave, j’ai tellement de bons clichés sur ma carte mémoire…

Je change de spot et opte pour un filé avec le reste de lumière rougeoyante dans le ciel en arrière-plan. Je commence à grimper dans les Isos. La lumière s’enfuit. Je guette Bob du coin de l’œil. Il faut absolument qu’il me ramène. Nous sommes tout à l’autre bout du circuit, avec mes ampoules, je suis incapable de revenir au centre media. Il file, je le rejoins. Ultime série de photos au Turn 13 à l’entrée cette fois-ci. Nous sommes désormais dans le noir total et les projecteurs sont face à nous, pas derrière. Je cherche comment exploiter l’endroit sans flash puisque je n’ai plus de batteries viables… Je tâtonne, tente puis trouve : un trois quart AR en profitant des phares des voitures suiveuses. Je descends la vitesse encore plus, remonte toujours dans les Isos mais ça le fait toujours. Je sors plusieurs photos appréciables. Et je suis le seul à le faire sous cet angle à cette heure-là. Bob ne fait pas le même angle. D’ailleurs, sur l’une de mes photos, je bénéficie de son coup de flash, asséné à une autre voiture que la mienne. Cool !

Je suis rincé. Bob repart vers le Turn 7 ou il s’arrête pour une série nocturne. Je n’ai plus la moelle. Je suis déjà ravi de ce que j’ai fait, avant même de les voir sur mon écran d’ordi. Je ne l’accompagne pas, le remercie chaleureusement et rentre à pied au centre média quasi à cloche-pied. Je dois mettre quelques clichés nocturnes en lignes des futurs vainqueurs pour illustrer l’article final de Laurent. A la descente de la passerelle, je tente une ultime série, côté intérieur piste. J’en sors deux ou trois qui soient potables, sans plus. Il est vraiment temps de rentrer. Et de dépouiller tout ça.

J’ai ramené de sacrés souvenirs de ces 12 heures de Sebring 2012. Malgré une course décevante, je me suis éclaté, l’œil dans l’œilleton. Je vais progressivement garnir les galeries de 86400 de ces souvenirs, comme je l’ai fait pour EI. J’espère juste qu’avec la professionnalisation due au WEC, ce ne soit pas la dernière fois…

Laurent Chauveau

PS : Bravo à vous si vous avez eu le courage de lire ce roman fleuve jusqu’au bout !

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